Shaani mixe la musique avec « energy »

A la fois DJ, productrice et chanteuse, Shaani est en train de se faire une place de choix dans le milieu du mix international. Après avoir conquis le grand Bob Sinclar devant 8000 personnes, la jeune femme aux origines malgaches a vu sa carrière décoller et ne plus jamais atterrir. Pour le Malagasy Club de France, elle revient sur son parcours, évoque ses projets futurs et nous confie son attachement à Madagascar. Pas de doute, nous sommes bien dans la rubrique Talents !
Shaani, une fille à la pointe du mix djShaani, une fille à la pointe du mix dj

Shaani, une fille à la pointe du mix

Malagasy Club de France : Tu considères avoir réellement commencé ta carrière de DJ en 2011. Avant cela, à quel job te destinais-tu ?
Shaani : « Je dirais plutôt 2010 parce que c’est l’année où j’ai fait une pause dans la production et où je me suis acheté mes platines vinyles. Mais c’est en effet en 2011 qu’il y a eu un tournant dans ma carrière de DJ car c’est l’année où j’ai gagné le concours NRJ pour faire la première partie de Bob Sinclar à Dax et où j’ai joué devant 8000 personnes.
Sinon, quand j’étais petite, je rêvais déjà de devenir artiste et de chanter mes propres compositions. En grandissant, comme je suis issue d’une grande famille d’élites, il fallait faire des études supérieures. Du coup, j’ai passé un Master. »
En général, on se fait sa culture musicale à coups d’initiations : un frère, un grand cousin, un parent, un pote qui te fait écouter un son et t’ouvre la porte sur des styles que tu ne connaissais pas. Quelles sont la ou les personnes qui t’ont initiée ?
« J’ai grandi dans une famille où il y a beaucoup de musiciens autodidactes. Certains ont même fait le conservatoire. C’est une grande chance, car il y avait de la musique en permanence et c’est grâce à cela que je me suis construit une solide culture musicale. Mon père m’a fait découvrir la musique des années 60, la soul, le gospel, le blues, la chanson française, mes cousins le rock, mon frère et mon grand-père, la musique classique. Et moi, de mon côté, j’écoutais beaucoup de newjack, de rap américain, mais aussi de l’electro. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je suis quasi-incollable sur tous styles de musique. »
Peu de DJ chantent. Est-ce parce qu’il est difficile de marier chant et maniement des platines ? Ou bien as-tu d’autres explications ?
« C’est vrai que peu de DJ chantent ! Je t’avoue qu’à part moi et Quentin Mosimann, je ne connais pas beaucoup de DJ qui chantent. On est une espèce très rare (rires) ! C’est un super avantage, parce que je n’ai pas cette contrainte d’avoir à chercher une chanteuse pour poser sur mes instrus, puisque je le fais moi-même.
Sinon, comment expliquer que peu de DJ chantent ? D’après mon analyse, je pense que c’est un peu comme dans le rap. Des rappeurs comme Will Smith ont avoué qu’ils se sont mis à rapper parce qu’ils ne savent pas chanter. Alors, peut-être que beaucoup de DJ se sont mis aux platines parce qu’ils ne savent ni chanter, ni jouer d’un autre instrument. »
shaani dj
Shaani, dans le métier, qui sont tes modèles (si tu en as) ?
« Techniquement parlant, un petit DJ français peu connu du grand public, mais qui a quand même gagné pas mal de compétitions internationales de turntablisme*: j’ai nommé DJ Netik. En général, seuls les vrais passionnés par le monde du deejaying connaissent ce nom.
Du côté de la production, je trouve que des gars comme Avicii, C2C, Bakermat, Hardwell et Madeon valent vraiment le détour. Mais en terme de gestion de carrière, celle de David Guetta surpasse tout le monde. »
Forcément, le boulot de DJ est associé au monde de la fête. Est-ce que ça signifie qu’il faut être un gros fêtard pour faire un bon DJ ? Et toi, te sens-tu l’âme d’une fêtarde ?
« Moi, j’aime faire la fête et prendre du bon temps, mais pas forcément en boîte de nuit. C’est vrai que quand j’étais ado, j’aimais beaucoup sortir en boîte, j’y allais même très souvent. Mais depuis que je suis devenue DJ, je ne sors plus en boîte. C’est peut-être parce que c’est devenu un lieu de travail, du coup, je n’y vais plus, sauf quand je dois y mixer bien sûr.
Et pour répondre à ta question, on n’est pas obligé d’être un gros fêtard pour devenir DJ. Le deejaying est certes une passion et un amusement, mais quand tu évolues en tant que professionnel, ça devient un vrai métier. Tu n’es donc pas là pour faire la fête mais plutôt pour assurer ta prestation au mieux. »
Quand tu mixes à Mada, tu n’hésites pas à changer de style pour coller aux attentes du public malgache. Pourquoi ? N’est-il pas dommage de faire venir Shaani du bout du monde pour lui faire jouer ce qu’on entend déjà à Mada ?
« Déjà, il faut savoir une chose : Mada n’est pas du tout en retard côté musique. Ils sont à la page sur les nouveautés, du moins, les nouveautés mainstream.
Ensuite, je n’ai mixé que deux fois à Madagascar. Une première fois au Neptune de Tamatave, le 31 décembre 2010 : à cette époque, je n’étais pas aussi connue qu’aujourd’hui et il a donc fallu que j’adapte ma playlist en fonction du public. La deuxième fois, c’était à Tananarive le 31 décembre 2013. Là, le contexte était très différent car entre-temps, ma notoriété avait décuplé, surtout auprès des jeunes. J’étais devenue une tête d’affiche capable de rassembler 3000 clubbeurs en un seul lieu. Comme le public était venu spécialement pour me voir, j’ai pu imposer mon style, ce que je n’aurais pu me permettre de faire trois ans auparavant. »
Penses-tu que tes origines malgaches nourrissent ton inspiration et interviennent dans tes moments de création ?
« Honnêtement, je ne saurais pas répondre à cette question. Il se pourrait que mes origines malgaches m’influencent lorsque je créée mes morceaux, mais si c’est le cas, ça se fait de manière inconsciente. »
Shaani, toi qui mixes en Europe et à Mada, dirais-tu que l’art de faire la fête est le même ici et là-bas ?
« Il y a quand même une certaine différence. Je trouve que les Européens se lâchent plus facilement quand ils font la fête, surtout les Anglais. Ils ne se prennent pas la tête, ils s’éclatent juste à fond. A Mada, c’est un autre état d’esprit. J’ai remarqué qu’en général, ils ont besoin d’une bonne dose d’alcool avant d’arriver à se lâcher ; ils sont assez pudiques, surtout à Tana. »
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Selon toi, comment se porte la scène DJ à Mada ? Des chouchous ?
« Comme le disent souvent mes compatriotes malgaches : « maniry hoatriny ny anana ny DJ ». Ce qui veut dire littéralement : « les DJ poussent comme des brèdes ». Effectivement, il y a beaucoup trop de gens qui s’autoproclament DJ, sans en avoir les compétences : aucune culture musicale, aucune technique, aucune oreille, juste de la frime et de la mytho. Mais il n’y a pas qu’à Mada que ce phénomène existe. En France, on a aussi notre lot d’imposteurs. »
Parles-tu malgache ? De quelle région de Mada tires-tu tes origines ?
« Bien qu’ayant grandi en France et ayant toujours habité ici, je suis parfaitement bilingue français-malgache. J’ai aussi un excellent niveau en anglais. Bien sûr, je m’exprime mieux en français parce que c’est ma langue maternelle, mais quand je suis à Mada, je fais toujours l’effort de parler en malgache. Les gens sont d’ailleurs agréablement surpris lorsqu’ils découvrent que je sais m’exprimer en malgache. Franchement, je vais te dire une chose : je ne comprendrai jamais ces gens qui ont honte de parler en malgache. C’est une très belle langue et c’est aussi un élément identitaire, alors il faut en être fier ! Sinon, concernant ma région d’origine, je suis issue de l’ethnie « Merina » et plus précisément de Lazaina-Avaradrano, à 12 km de Tana. »
Pour finir, Shaani, peux-tu nous parler de ton actu ?
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« En octobre 2014, j’ai sorti un single electro intitulé Energy. Cela faisait quatre ans que je n’avais pas sorti de single et ça me manquait. Il est dispo sur Itunes, Deezer, Amazon, Spotify, bref, toutes les plateformes de streaming et de téléchargement légal. Et en ce moment, je suis en train de finaliser mon prochain morceau. Cette fois-ci, ça sera un remix. Je ne me suis jamais intéressée aux remix car j’ai toujours préféré les créations 100% originales mais là, je dois dire que j’y prends beaucoup de plaisir. Pour connaître la date de sortie et suivre plus facilement mon actu, je t’invite à me suivre via mon site officiel http://shaanimusic.online.fr. »


*turntablisme :  l’art de créer de la musique grâce aux platines à vinyles et aux disques vinyles.