Salala : une voix entrée dans la légende de l’écho beko
|M’basalala Zafimaneva Randriamazoto, fondateur du mythique trio malgache Salala, est aujourd’hui chanteur au sein du groupe nantais K’bossy. Pour ces deux raisons, il mérite mille fois d’inaugurer la série de portraits de notre rubrique Talents.

M’bassa, aussi appelé Salala, lors d’un concert avec K’bossy
La plupart des histoires extraordinaires commence de façon banale. Celle de M’basalala Zafimaneva Randriamazoto ne fait pas exception. Elle démarre même de façon ultra classique, dans le sud de Madagascar, à l’école du dimanche, sur un banc d’église partagé par trois copains. La suite, elle, n’a en revanche rien de commun. Car en quelques années, sous le nom de Salala, le trio formé par ces petits Antandroy va devenir le groupe vocal le plus célèbre de sa génération, traverser le monde et offrir au répertoire populaire malgache quelques-unes de ses plus belles chansons. Pour le Malagasy Club de France, M’basalala, en France depuis 2007, accepte d’ouvrir la boîte à souvenirs d’une histoire qu’il continue d’écrire.
Début de carrière de Salala en 1983
Dès les premiers jours, la chanson nourrit le petit M’bassa autant que le lait. « J’étais comme tous les enfants Malgaches. On aimait chanter et chantonner, à l’église, à la maison, avec les grands-frères, les grandes sœurs, le grand-père… J’ai toujours baigné là-dedans. » Et jusqu’à très tard, la musique ne reste pour M’bassa qu’une passion naturelle, rien d’autre.
Même à la fac de médecine de Tana, alors que les sollicitations deviennent de plus en plus fréquentes, M’bassa n’envisage pas encore faire une carrière d’artiste. « J’avais retrouvé mes deux copains de l’église et de l’école primaire et on nous réclamait souvent, à droite ou à gauche. Parfois on nous donnait un cachet, parfois non. On s’en fichait un peu. Ce qui comptait pour nous c’était le plaisir de se retrouver. Chanter, on le faisait juste comme on l’avait toujours fait, dans la continuité de notre enfance et dans la tradition du chant beko*.«
Mais au fil des jours, des semaines et des mois, le trio commence à se forger une réputation et à enchaîner de véritables contrats. « En fait, le groupe a véritablement débuté sa carrière en 1983. Et comme les gens avaient déjà pris l’habitude de parler du « groupe de Salala » (Salala est le prénom de mon enfance), nous avons naturellement décidé de baptiser notre trio Salala. En plus, ce mot signifie espoir, et des espoirs, nous en avions tous, plein même ! »
A l’époque, M’bassa partage notamment le même rêve que beaucoup de jeunes Malgaches : faire le grand voyage qui le mènera à l’étranger. Et pour l’atteindre, il n’envisage qu’une solution : obtenir une bourse d’étude. Dans sa tête, la chanson est encore loin d’être une porte de sortie. Pourtant, c’est celle-là, contre toute attente, qui finira par s’ouvrir.
« On avait tous le vertige »
« J’ai poursuivi mes études de médecine jusqu’au bout et j’ai obtenu mon doctorat le même jour que Senge, la voix de basse du groupe, mon ami d’enfance. Mais la bourse pour l’étranger, je ne l’ai jamais eue. » Qu’à cela ne tienne, en 1994, le trio Salala signe un contrat international, véritable bon de sortie valable pour le monde entier. Du jour au lendemain, le groupe entre dans la catégorie des grands.
« Je me souviens de notre premier concert à l’étranger. Vraiment, on avait tous le vertige et on se pinçait tant on croyait rêver. C’était vraiment incroyable ». Pendant plus de dix ans, M’bassa et son groupe ont la bougeotte. Ils écument les salles et festivals du monde entier. En Europe, en Afrique, en Amérique du sud, et, bien sûr, dans tout l’Océan Indien. Même le départ de Senge, le copain de toujours, pour un nouveau groupe à la fin des années 90, ne ralentit pas la marche du succès. Son remplacement assure la pérennité de la formation (le regretté Senge, lui, est mort d’un cancer en 2000).
Après les époques « banc de l’église », puis fac de Tana et enfin triomphe international, M’bassa entame en 2007 une nouvelle période de sa vie. Pour des raisons familiales, il décide d’emménager en France, à Nantes. Sa carrière prend alors un nouveau tournant puisque deux ans plus tard, avec de vieilles connaissances retrouvées sur ses terres d’adoption, il crée le groupe K’bossy une formation mélangeant avec saveurs différentes influentes musicales et culturelles de Madagascar. Berikely, qui vient du nord, apporte un côté salegy, dansant ; Elysé originaire des Hautes-Terres joue du valiha, et Kaz’y, né dans l’ouest, apporte beaucoup aux compositions. Quant à M’bassa, bien sûr, il représente le sud et le côté a capella du groupe.
K’Bossy nouvel étendard ?
Quand on chante avec les deux mêmes copains depuis presque cinquante ans, forcément, intégrer une nouvelle formation n’est pas chose aisée. Et M’bassa le reconnaît. « Au début, je me posais des questions, mais depuis quelques temps, ça y est, je retrouve un très grand plaisir et beaucoup d’ambition ». Partant pour de nouvelles tournées internationales alors ? « J’ai déjà réalisé ce genre de rêve avec Salala. Et j’aimerais vraiment que les musiciens de K’bossy vivent la même expérience. Surtout que c’est le genre d’événements qui permet de parler de Mada et de mettre en avant les qualités des artistes malgaches pour qui la musique est un vrai moyen de fuir la misère. »
K’Bossy nouvel étendard de la musique malgache ? Il est trop tôt pour le prédire, mais force est de constater que le groupe nantais est sur une bonne voie. Il y a quelques jours à peine, il jouait par exemple à Paris, à la Philarmonie, invité par le groupe Moriarty. « C’est ce que j’appelle une date marquante dans la vie d’un groupe. Chanter à la capitale, invité par un groupe autant apprécié des jeunes, ça compte. »
L’histoire de M’basalala Zafimaneva Randriamazoto, commencée avec deux copains sur le banc d’une église du sud de Mada n’est donc pas terminée. Pas plus que ne l’est l’histoire du trio Salala. « La dernière fois que nous avons joué ensemble, c’était en 2010. Mais nous restons toujours en contact et un jour, nous rechanterons ensemble. Le jour viendra. »
- *Le beko est un type de chant traditionnel et ancien. Le chanteur de beko se produit surtout à l’occasion des funérailles. Il se couvre l’oreille pour mieux entendre le chant qu’il improvise et qui est répété, dans la foulée, par un second chanteur. Les paroles racontent la vie du défunt.
- M’bassa chantera à la soirée Ode à la musique malgache le 14 février à Paris et sera en concert avec K’bossy le 14 mars à Nantes.
- Ecouter Lanitra Mangamanga par Salala. Ou comment transformer une vieille chanson traditionnelle en hymne populaire. Attention : son pourri mais frissons garantis.
- Ecouter Bory Hely par K’bossy, le groupe qui monte
Ecouter le soundcloud de K’Bossy.
Retrouver ici tous les autres portraits du Malagasy Club de France