Privés de nationalité malgache car handicapés : la double-peine
|Le 21 février dernier, le MCF publiait un sujet intitulé « Transmettre la nationalité malgache à ses enfants ». Ce papier, qui n’avait pourtant comme seule ambition que de fournir une information pratique, a suscité surprise, questionnement et indignation chez ses lecteurs. En réponse aux réactions émues, le MCF a souhaité apporter quelques précisions et surtout, inviter au débat.

Obtenir la nationalité malgache : des conditions qui font débt (Photo MCF)
L’article en question était essentiellement destiné aux Malgaches de France. Son but premier était d’expliquer qui peut transmettre la nationalité malgache à son enfant et à quelles conditions. On y apprenait, entre autres choses, qu’un enfant né en France de père malgache était malgache de fait, mais qu’un enfant né en France de mère malgache et d’un père étranger (français par exemple) ne pouvait devenir malgache que sous certaines conditions.
C’est le premier point qui a choqué : pourquoi faire une distinction entre l’ascendance maternelle et l’ascendance paternelle. Quelle différence entre le sang d’un père et celui d’une mère ? L’un serait-il plus malgache qu’un autre ? Ou le sang d’un père serait-il plus important que celui d’une mère ?
C’est à partir des entrailles de sa maman qu’un nourrisson rejoint notre monde (quelque soit le pays !) Si l’on devait établir une différence entre un sang mâle et un sang femelle (une nécessité qui reste à prouver), peut-être que la distinction devrait donc être à l’avantage de la maman, non ?
Mais cette distinction entre la mère et le père n’est pas le détail de l’article qui a le plus choqué. Le point le plus contestable aux yeux des lecteurs du MCF concerne surtout les conditions qu’un enfant né de mère malgache et de père étranger doit réunir s’il veut bénéficier d’un passeport et de la nationalité malgache. Plus précisément : l’obligation de produire un « certificat médical attestant que l’enfant mineur est, ou non, exempt d’infirmité, de vice de constitution, s’il est ou non atteint de tuberculose, de maladie vénérienne, d’affection mentale.«
Pas de nationalité malgache pour des infirmes
Certains n’en ont carrément pas crû leurs yeux. « Un enfant infirme n’aurait pas le droit à la nationalité malgache du seul fait de son infirmité ???« . Voici le genre de questions étonnées que le site a reçu de la part de lecteurs stupéfaits. Du coup, pour vérifier que nous avions bien compris nous aussi, et pour avoir quelques détails formels, le MCF s’est à nouveau adressé au consulat de Madagascar de Bordeaux d’où venaient déjà les informations originelles. Celui-ci, toujours prompt à répondre à nos questions (et on l’en remercie !) nous a renvoyé à un extrait du code de la nationalité malgache.
Au sujet du « bon état de santé« , le texte donne la liste précise des cas qui ne peuvent donner lieu à la délivrance de la nationalité malgache : « Est irrecevable la requête formée par un aliéné. Est irrecevable, parce que le postulant constitue un danger pour la collectivité, le malade contagieux. Est également irrecevable la requête du malade non contagieux, mais sans espoir de guérison proche, ou de l’infirme, lorsque ce postulant, en raison de sa maladie ou de son infirmité, ne peut plus travailler, et se trouve ou se trouvera mis, du fait de sa naturalisation, à la charge de la collectivité (art. 27-3°) Dans certains cas, et seulement dans la mesure compatible avec le texte en vigueur, le Gouvernement peut s’inspirer de l’idée de récompense dans l’ordre professionnel ou militaire, etc…«
Autrement dit, c’est confirmé : si un enfant né de père étranger et de mère malgache a la malchance de n’avoir qu’un bras (ou s’il est malade mental ou contagieux), alors (en plus !) il n’aura pas le droit d’épouser la nationalité malgache, qui est pourtant celle de son île et de sa langue maternelles. La double peine en somme.
N’est-ce pas injuste ? Et surtout, n’est-ce pas tordu ? Parce que si ce même enfant, (infirme, contagieux ou malade mental), avait un papa malgache, alors il aurait le droit, lui, d’avoir la nationalité malgache. Et ce, sans même avoir à la demander ! Une différence de traitement d’autant plus inexplicable que l’argument du coût pour la société ne tient plus : un infirme de père malgache est « à la charge de la collectivité » autant que ne le serait un infirme de mère malgache, non ? (Une charge dont les manifestations sonnantes et trébuchantes resteraient d’ailleurs encore à déterminer, mais il s’agit là d’un autre débat).
La diaspora malgache, qui envisage très sérieusement de réunir pour la première fois des états généraux, devrait peut-être mettre ce type de questions à son ordre du jour.
Madagascar n’est pas le seul pays du monde à disposer d’un code de la nationalité présentant de telles conditions à la naturalisation. L’idée n’est d’ailleurs pas de dénoncer qui que ce soit. Mais plutôt d’inviter à une grande réflexion sur le sujet. Si parmi les lecteurs de cet article se trouvent des gens qui peuvent nous en apprendre davantage, partager leurs connaissances et/ou leurs expériences, qu’ils n’hésitent pas à intervenir. De même, si des gens souhaitent justifier les règles de ce code, leurs commentaires sont les bienvenus (dans le respect des règles élémentaires de la politesse, ça va de soi). Alors, à vos claviers.
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