29 mars 1947 : Epargnés par la mort, meurtris par la vie (1/4)

Dimanche, dans l’indifférence quasi-générale du reste du monde, Madagascar célébrera une nouvelle fois le terrible anniversaire des « événements » du 29 mars 1947. A cette occasion, le Malagasy Club de France ressort de ses archives quatre témoignages de survivants recueillis en 2010 à Manakara. Ces histoires n’avaient jamais été publiées. Chaque jour, jusqu’à vendredi, nous en posterons une. Demain, celle de Justine, fille d’un malgache pro-français pris dans la tourmente. Jeudi, celle de Patry, enrôlé dans les rangs de la rébellion. Et enfin, vendredi, celle de Malala qui a perdu son rebelle de mari aux premiers jours des « événements ». Mais aujourd’hui, commençons par le récit de Philibert, fils d’un militant indépendantiste condamné à perpétuité.

Rappel : Le 29 mars 1947, les indépendantistes malgaches prennent les armes. Des lances et des coupe-coupe. La répression de l’empire français est immédiate et sanglante : en quelques mois à peine, elle se solde par plusieurs dizaines de milliers de morts. Si les manuels scolaires français font l’impasse sur cette opération de « pacification », les survivants, eux, n’ont rien oublié. Ceux de Manakara notamment. Dans cette ville de la côte est, fer de lance de l’insurrection, cette journée a bouleversé la vie de ceux qui n’ont pas trouvé la mort.


Philibert, 73 ans et des larmes d’enfant

Philibert Ramaroson, dit Fiacre, survivant du 29 mars 1947 (Photo MCF)

Philibert Ramaroson, dit Fiacre, survivant du 29 mars 1947 (Photo MCF)

Philibert Ramaroson n’a rien du pleurnichard. A 73 ans, l’homme reste même un solide gaillard, un militaire à la retraite ne goûtant guère aux sensibleries, ni aux vertus lacrymales. Pourtant, ce jour de décembre 2010, les traits du soldat fier et discipliné qu’il est resté se transforment soudainement en un masque de douleur. Après un long entretien assis sur le tabouret d’une gargote de Manakara, il plonge son visage dans sa main droite et, dans un sanglot, s’excuse : « Pardonnez-moi, mais j’ai envie de pleurer. Le 29 mars 1947 m’a tout pris. J’ai été privé de mon père pendant neuf ans, on m’a éloigné de ma mère, je suis devenu un enfant domestique, j’ai dû arrêter l’école. Et puis j’ai vu tellement de morts, de violence…» Voilà comment, sans fard et en une poignée de secondes, Philibert résume les conséquences de la journée qui, 64 ans plus tôt, a chamboulé la vie d’un garçon de neuf ans.

UN MYSTÉRIEUX TELEGRAMME

Pour Philibert, ce 29 mars démarre pourtant de façon très banale. Au petit matin, vers 5h30, sa mère l’envoie chercher une marmite chez sa tante, à 200m de la case familiale. Le petit garçon s’exécute en compagnie de Paul, douze ans, le domestique. Quelques minutes plus tard, sur la route du retour, les deux compères entendent les premières détonations. « Ça se passait chez le vazaha kely (NDLR : littéralement, le petit étranger), un jeune colon d’environ vingt-cinq ans, patron d’une entreprise française appelée la Lyonnaise. Une soixantaine de Malgaches étaient réunis devant sa porte et le menaçaient. Pris de panique, il est rentré chez lui pour en ressortir avec un fusil de chasse. Il en a vidé les deux cartouches, puis la foule s’est emparé de lui et l’a égorgé. » Dans les entrepôts de la Lyonnaise, la première scène de pillage commence. « J’ai vu beaucoup de monde courir et s’agiter. Les gens emportaient tout ce qu’il pouvaient : du tissu, des sacs de riz et de sucre, des bidons d’huile et de pétrole… »

A ce moment de l’histoire, Philibert ignore encore le pourquoi de la pagaille. Il ne sait pas qu’à Manakara, comme dans la plupart des villes du pays, l’antenne locale du Mouvement de la rénovation malgache (le MDRM, parti politique pro indépendance), vient tout juste de recevoir un télégramme appelant à une révolte immédiate et à l’attaque systématique des intérêts français. Un télégramme mystérieux dont, aujourd’hui encore, personne ne revendique la paternité et sur lequel les historiens restent divisés.

Pour autant, conscients qu’il se passe quelque chose d’anormal, Philibert et Paul pressent le pas en direction de leur maison. Mais il est déjà trop tard. « Quand nous sommes arrivés, vers 8h, il n’y avait plus personne. Mon père, ma mère et mes trois frères et sœurs avaient fui et je ne savais ni où, ni pourquoi. »

29 mars 1947Dans un réflexe salvateur, les deux enfants suivent alors la foule en courant. Trois heures plus tard et 10km plus loin, ils atteignent enfin la forêt. Epuisés et terrorisés, il leur faut maintenant éviter les balles. L’armée coloniale, étrangement bien préparée, a déjà commencé la répression. « Les tirailleurs sénégalais faisaient feu en direction de la forêt, à l’aveuglette. « Ta-ta-ta-ta », tout simplement. Autour des nous, des gens tombaient. Il y avait des morts. »

SUR LA TÊTE, UN BANDEAU À LA RAMBO

Jusqu’au soir, dans la panique générale, Philibert cherche ses parents. En vain. Sa première nuit dans la forêt, il la passe à la belle étoile, en compagnie d’inconnus.

Par chance, le lendemain matin, vers 9h, un voisin de passage reconnaît l’enfant. « « Fiacre ! » m’a-t-il dit, car c’est ainsi qu’on me surnommait en ce temps-là, « ton père te cherche partout ! Il est de l’autre côté de la forêt, viens avec moi, je t’y emmène » » Sans hésiter, le petit égaré suit l’homme et se sépare de Paul. « Depuis ce jour, je n’ai plus jamais eu de nouvelles de lui. On m’a dit qu’il avait retrouvé sa famille, mais je n’en ai pas eu la preuve.. . »

Après une nouvelle marche dans la forêt primaire, Fiacre retrouve son père, Antoine, un métis à la peau claire de trente-cinq ans qui avait choisi son camp. « Je me souviens de sa tenue inhabituelle : il portait sur la tête un bandeau à la rambo. Il avait aussi une chemise blanche, un short noir, des bottes en cuir et, dans ses mains, une lance et une hâche ». La description est précise, comme si le petit Malgache avait gravé dans sa mémoire cette image inédite. Et c’est heureux. Car pendant les neuf années qui vont suivre, il ne reverra pas Antoine, dont le dernier geste de père est d’amener l’enfant à sa mère avant de rejoindre les combattants du MDRM (Mouvement démocratique de la rénovation malgache).

Deux heures plus tard, Philibert retrouve sa mère, elle aussi réfugiée dans la forêt. « Elle pensait que j’étais mort. En me voyant arriver, elle était vraiment heureuse. Mon père lui a dit de rejoindre l’hôpital de Manakara. Il disait que, là-bas, nous trouverions de quoi manger et nous soigner. »

Le lendemain soir, au coucher du soleil, la famille ainsi reconstituée (ne manque qu’Antoine), prend donc le chemin de l’hôpital. Dans le noir, pour ne pas être repéré, il faut à nouveau traverser la forêt. Malgré la nuit, malgré la fatigue, malgré le danger. « Les tirailleurs continuaient d’envoyer des rafales. A l’époque, je n’en savais rien, mais aujourd’hui, j’en suis certain : ils utilisaient des mitraillettes. J’ai été militaire, et depuis, j’ai appris à reconnaître le bruit des armes ! »

Heureusement, la petite troupe a plus de chance que ses compagnons d’infortune qui s’effondrent sous les balles. « Certains n’étaient que blessés, mais la douleur les rendait complètement fous », se souvient Philibert.

Ce « marche ou crève » dure trois jours au bout desquels la famille arrive saine et sauve à l’hôpital. « Le docteur connaissait bien mon grand-père. En apprenant qui nous étions, il a mis une case à notre disposition. Nous étions dix à la partager. Cinq femmes, cinq enfants ».

29 mars 1947Pour autant, l’abri reste précaire, et le danger, omniprésent. La journée, par exemple, pas question de sortir, à moins de prendre ses précautions. « Même pour aller chier, il fallait être très prudent, se rappelle Philibert. Les militaires nous l’autorisaient, mais à une seule condition : qu’on le fasse avec un drapeau bleu-blanc-rouge entre les mains. Aujourd’hui, j’en rigole, mais ça n’avait rien de pratique, et c’était franchement humiliant. »

Les rares activités se font de nuit. « Ma mère, sa sœur et sa belle-sœur, sortaient une fois par semaine, pour chercher de la sauge le long de la rivière. Elles partaient vers 22h et rentraient à 3h du matin. Ça complétait ce que l’hôpital nous donnait à manger : un kapoaka de riz (environ 300g, NDLR) et un morceau de viande gros comme ma main par jour pour dix personnes ! » Fiacre aussi a sa mission : le ramassage du bois. « Je sortais quand il faisait noir, et je faisais le travail avec Ramon, un garçon de mon âge. Tout le monde disait que Ramon était un fou et qu’un jour il me couperait la tête, mais c’était mon ami. Et je ne sais pas pourquoi, mais celui-là, il m’aimait beaucoup. »

DES LÉGIONNAIRES VIOLEURS

Ce petit manège, mêlant survie, peur et isolement, dure cinq semaines. Jusqu’au retour du calme. Un calme précaire et très relatif. « A la fin du mois de juin, alors que nous louions toujours la même petite case, des légionnaires ont installé leurs tentes dans un camp à proximité qu’ils ont entouré de fils barbelés. La journée, ça ne posait pas de gros problèmes. Mais le soir, lorsque ces militaires se mettaient à boire, la terreur régnait. Ils venaient dans notre quartier et s’en prenaient aux femmes qu’ils violaient en les menaçant de leurs poignards. Celles qui ne se laissaient pas faire étaient égorgées. »

Un soir en particulier, Fiacre connaît la peur de sa vie. « Quand les légionnaires sont entrés dans notre cabane, tout le monde a fui. Moi, je me suis caché sous un camion en m’accrochant aux transmissions. Un des militaires, qui cherchait partout, a regardé sous le véhicule. J’étais à sa merci. Heureusement, il ne m’a pas vu. Je suis resté là pendant deux heures. Quand ils se sont éloignés, je suis allé me réfugier chez mon oncle. Par la suite, ma mère m’a dit qu’aucune femme de la maison n’avait été attrapée… »

Si l’empire français n’en a pas fini avec son opération de « pacification », c’est que les indépendantistes n’ont pas tous rendu les armes. Certes, le gros de l’insurrection est derrière, mais les rebelles sont décidés à jeter leurs dernières forces dans la bataille.

LE BAROUD D’HONNEUR DES REBELLES

Il est d’ailleurs une autre journée que Fiacre n’oubliera jamais. Nous sommes environ trois mois après le début des hostilités. « Ce jour-là, environ 3 000 combattants du MDRM sont descendus de la forêt pour attaquer les légionnaires. On entendait les cris de guerre de chez nous, des « oulalalalla ouuulaou », et en réponse, les rafales des mitraillettes. » L’opération, qui ressemble à un baroud d’honneur, est un fiasco. Tous ceux qui ne sont pas tués, sont arrêtés, puis torturés avant d’être, à leur tour, tués. « Les commissaires, ou d’autres gradés de ce temps-là, faisaient attacher les prisonniers au sol, face au soleil. Ça ne les tuait pas, mais ça les rendait aveugles. Ces heures de torture, je les ai vues, de mes propres yeux. C’était triste. »

En ville, le véritable calme ne revient qu’au début d’octobre, les combats, plus sporadiques, étant désormais circonscrits aux forêts voisines. Mais, pour Philibert, retour au calme ne signifie pas retour à la normale. Loin de là.

Mars 1947

Antoine, prisonnier à Diego. La seule image de neuf années de vie (phot MCF)

Car entretemps, sa mère a appris une terrible nouvelle. Antoine, son mari, a été fait prisonnier et condamné aux travaux forcés jusqu’à la fin de ses jours. Elle ne le reverra plus jamais, du moins, le croit-elle. Dans l’impossibilité d’assumer seule la charge d’une famille, elle se remarie rapidement. Philibert hérite alors d’un beau-père qui ne l’acceptera jamais. « On m’a même confié à mon oncle. C’était un homme très bien, mais sa femme, elle, était méchante. Elle me traitait comme un domestique. On me donnait tellement de travail à la maison et ailleurs que je n’ai pas pu retourner à l’école… »

Puis les années passent. Des années au cours desquelles Fiacre se forge un caractère et une réputation de dur. N’hésitant pas à jouer des poings quand la situation l’impose, il obtient le respect de tout le quartier, mais jamais celui de sa tante. L’avenir est flou, et l’idée même d’en avoir un n’a pas vraiment de sens.

En 1956, pourtant, le destin de Phillibert bascule à nouveau. Dans le bon sens cette fois. Sa mère reçoit un courrier d’Antoine. Dans sa lettre, le prisonnier annonce simplement : « D’ici peu de temps, je serai libre ». Comme ses autres camarades survivants des « événements » de 1947, il vient d’être gracié et sait que sa libération n’est plus qu’une question de jours.

Sitôt sorti de sa prison, Antoine retrouve son frère, lui aussi membre du MDRM et gracié. Ensemble ils prennent la route pour Manakara. Les retrouvailles ont lieu à la gare, dont un troisième membre de la fratrie, « apolitique » est le chef de dépôt. « En voyant arriver mon père, j’ai reculé. Je me suis demandé si c’était bien lui, se souvient Philibert. Je ne le reconnaissais pas, mais lui s’est approché de moi en disant, « voici mon fils ! » ». Antoine est très ému. Le fils de 18 ans qu’il redécouvre est, comme lui, un survivant : depuis son arrestation, deux de ses enfants ont trouvé la mort, faute de soins. Le premier dès 1947, le second, en 1954.

A cette occasion, Antoine retrouve aussi sa femme, sur laquelle, résigné et compréhensif, il a fait une croix. « Quand il l’a revue, elle avait déjà eu une fille et deux garçons avec son nouveau mari. Je pense qu’il ne lui en a jamais voulu. Après tout, il était sensé ne jamais revenir… En fait, celui que cet instant a le plus dérangé, c’est mon beau-père. Il était très jaloux et plutôt inquiet du retour de l’ex-mari de sa femme ! »

Une question en particulier marque ces retrouvailles et l’esprit du jeune Philibert. Elle est posée par son père. « Il m’a demandé en quelle classe j’étais. Je lui ai répondu que cela faisait longtemps que je ne pouvais plus aller à l’école... » En entendant ça, triste et en colère, Antoine réagit : « A partir d’aujourd’hui, tout va changer. Tu vas habiter avec moi et tu retourneras à l’école. »

Aussitôt promis, aussitôt fait. Philibert emménage avec son père et reprend le chemin des cours. A force de courage et d’obstination, il rattrape l’énorme retard accumulé et devient un brillant élève. Son parcours scolaire le mène jusqu’à l’Institut de formation technique de Fianarantsoa (au centre du pays). L’ancien domestique enchaîne divers métiers au gré de ses envies et des opportunités avant d’entamer une carrière militaire de vingt ans. Mais les événements de 1947 ne quittent pas son esprit.

LE FRANÇAIS A SAUVÉ SON PÈRE
29 mars 1947

Ce type de bateau a emmené Antoine (photo MCF)

D’autant que, depuis 1956, à ses souvenirs personnels, s’ajoutent ceux de son père. « Au fil des semaines et des mois qui ont suivi son retour, il m’a raconté son histoire. »

Tout commence par une arrestation, au début du mois d’avril 1947. « Les Français avaient largué par avion des messages signés de l’armée américaine appelant les manifestants à se rendre sur le terrain d’aviation pour y recevoir des armes. Mais c’était un piège. Tous ceux qui s’y sont rendus ont été arrêtés. Y compris mon papa. »

Tout ce petit monde est entassé dans un bâtiment de Manakara. Par chance, Victor, un colon qui passait par là, reconnaît Antoine, son partenaire de l’équipe de foot de Manakara. Il lui dit, « Antoine, que fais-tu là ? Un bateau va bientôt emmener des prisonniers, fais tout ce que tu peux pour embarquer ». Ce jour-là, Philibert en est certain, le français sauve son père : « Tous ceux qui ne sont pas montés dans le bateau ont fini leur vie dans une fosse commune. » Dodo, le secrétaire général du MDRM à Madagascar a quant à lui subi un sort plus cruel encore. « C’était un copain de mon père. Les militaires l’ont attaché par les pieds et l’ont suspendu vivant au dessus de la mer du haut de la digue. Son corps, écorché par le corail, a été dévoré par les requins alertés par le sang ! »

Alors que Dodo est à son supplice, Antoine, lui, a déjà entamé le sien. Avec plusieurs centaines d’autres rebelles, il vient d’embarquer sur un bateau, direction Diego-Suarez, au nord de Madagascar. Le voyage dure un mois. « Les prisonniers devaient passer leur journée sur le pont, brûlés par le soleil, et la nuit dans la cale, rongés par l’humidité et les rats. Mon père n’avait qu’un seul vêtement, un simple caleçon que mon grand-père lui avait jeté à la hâte, au moment de l’embarquement. Quand il me racontait ça, et il le faisait souvent, il disait : « Nous étions traités comme des bêtes, obligés de nous chier dessus. »

A destination, la situation ne s’améliore guère. Antoine se présente à son procès avec un sac de riz percé comme seul vêtement. A l’instar de ses compagnons, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Trois mois plus tard, il reprend le bateau pour Nosy-Be, où il doit purger sa peine. Et à l’époque, cette petite île malgache n’a encore rien du paradis pour touristes. « La première année, mon père l’a passée complètement enfermé, dans une prison gardée par des fonctionnaires malgaches. Mais dès qu’il l’a pu, il s’est porté volontaire pour travailler en ville comme plombier. Bien sûr, il ne recevait pas de salaire, mais au moins, dans la journée, il prenait l’air et voyait un peu de monde. Chaque jour, à 19h, il devait retourner dans sa cellule. »

Le 29 mars 1947 : un combat « juste »

A Manakara, revenu de son calvaire, Antoine renoue avec sa vie de militant et prend même la suite de son ami Dodo à la tête du MDRM. Mais plus rien ne sera jamais comme avant. L’idée d’une révolution armée est définitivement abandonnée. Il n’y aura plus jamais de révolte. L’indépendance de Madagascar est finalement octroyée par la France, quatre ans plus tard, le 26 juin 1960.

En 1979, Antoine, le père de Philibert, rendant hommage à ses compagnons d'armes.

En 1979, Antoine, le père de Philibert, rendant hommage à ses compagnons d’armes.

Aujourd’hui, avec le recul, Philibert jette sur l’engagement de son père un regard plein de fierté. « Sa mère était française, c’était un métis à la peau claire. S’il avait voulu, il aurait pu se ranger du côté de l’empire. Mais il ne l’a pas fait et a préféré rejoindre le MDRM l’année de ses 28 ans. Il n’avait rien contre les Français en tant que tel, mais il ne supportait pas les humiliations quotidiennes faites aux Malgaches. Et elles étaient réelles. Moi-même, je me souviens qu’avant l’indépendance n’importe quel colon pouvait mettre un Malgache en prison pour trois ou quatre jours si celui-ci ne l’avait pas salué dans la rue ! »

Certes, l’ex-soldat le reconnaît, « il est plus difficile de trouver du travail et la ville est moins bien entretenue qu’au temps de la colonisation. L’indépendance n’a pas apporté que de bonnes choses. » Mais Philibert en est convaincu : le combat de son père était  « juste ». « Même si le 29 mars 1947 a eu pour moi toutes ces terribles conséquences, même si ma grand-mère a vu deux de ses fils emprisonnés et un troisième tué par les Français dès les premiers jours de la rébellion et qu’elle n’a pas pu l’enterrer, ça en valait la peine ».

Pour Antoine, le combat en valait tellement la peine que neuf ans de travaux forcés n’ont pas suffi à éteindre ses convictions. A son retour, il portait deux tatouages : le nom de sa mère dans la main droite et la carte de son île sur sa poitrine. Il les a portés jusqu’à sa mort, en 1996. Il avait 84 ans. Philibert gardant pour son père une admiration sans borne, l’affirme sans hésiter. « Je suis fier d’être son fils ! »

Antoine et sa vie d’avant 1947 : extraits de l’album photo familial

29 mars 1947

 

 

Monument de l'indépendance à Manakara 29 mars 1947

Le Monument de l’indépendance à Manakara (Photo MCF)

 Retrouver ici le témoignage de Justine.