HEC à Mada : du colonialisme ? Bernard Ramanantsoa répond !
|La semaine passée, HEC Paris, classée quatrième plus grande école du monde, inaugurait un programme de formation à Antananarivo. Comme tout événement d’importance, l’initiative a beaucoup fait parler d’elle, en bien comme en mal. Sur les réseaux sociaux notamment, des critiques ont apparu et un début de polémique est né. Du coup, pour y voir un peu plus clair, connaître les détails et les ambitions du programme, le Malagasy Club de France est remonté à la source de l’information. Tout en haut même, puisqu’il s’est adressé directement à Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC. Celui-ci, dont les origines malgaches sautent aux oreilles et à la mémoire (il est le neveu de l’ex-président de Madagascar Gabriel Ramanantsoa), a accepté le jeu des questions/réponses. Interview.

Bernard Ramanantsoa, neveu de Gabriel et directeur général d’HEC
Rappel. HEC Paris a inauguré un cycle de formation intensive en quatre modules sanctionné par un Certificat d’Enseignement Supérieur des Affaires (CESA). La spécialisation HEC qui a été sélectionnée est « le Management de l’Environnement International ».
Malagasy Club de France : Vingt-trois étudiants suivent cette formation. Quel est leur profil ?
Bernard Ramanantsoa : « Les trois-quarts d’entre eux sont issus du secteur privé. Ce sont des chefs d’entreprise ou des cadres dirigeants déjà forts d’une belle expérience professionnelle et d’un niveau certain mais qui ont des envies d’évoluer ou d’actualiser leurs compétences. Le quart restant est quant à lui composé de fonctionnaires de Madagascar. »
Quel est le coût de cette formation ? Qui le prend en charge ?
« Chaque participant paye 10 000 euros. Concernant les étudiants issus du secteur privé, cette somme est généralement financée par leurs ressources personnelles, par celles de leurs entreprises ou par un mixe des deux. »
D’autres promotions seront-elles invitées à obtenir ce certificat ?
« Oui, bien sûr. Il ne s’agit pas d’un one shot. Nous développons ce genre de programmes sur le long terme et nous ferons tout pour que cette première soit un succès. »
Comment s’est décidé la mise en place de ce Cesa à Madagascar ? Est-ce Mada qui est venu vous demander quelque chose ou vous qui lui avez fait une proposition ?
« Ni l’un ni l’autre. La décision a été prise il y a quelques mois à peine à l’issue d’une série de rencontres et de discussions. Certains partenaires, comme le CCIFM (NDLR : Chambre de commerce et d’industrie France Madagascar) et d’autres personnalités malgaches ont montré leur intérêt et leur motivation. Du coup, nous avons pu monter le programme en un temps record. »
HEC a-t-il monté d’autres Cesa ailleurs dans le monde ?
« Le Cesa de Madagascar a une forme spécifique, mais oui, bien sûr, HEC en propose dans différentes régions du monde. »
Celui de Madagascar a créé un début de polémique. En résumé, on accuse HEC de perpétuer le colonialisme en formant pour la France des élites qui lui seront serviles… Que répondez-vous à cela ?
« Avec ce genre de questions, je suis toujours partagé entre l’indifférence et l’envie de répondre. Quand HEC ne faisait rien à Madagascar, on nous en faisait le reproche. On nous disait, « Quand même, vous pourriez faire quelque chose ! » Et maintenant qu’on crée cette formation, on nous soupçonne d’être colonialistes. Quoi qu’on fasse, ça ne va pas.
Pour HEC, les objectifs de ces formations sont partout les mêmes : faire rayonner sa marque dans toutes les régions du monde. Nous sommes déjà présents en Côte-d’Ivoire, au Sénégal, en Nouvelle-Calédonie…
Quand nous créons une formation au Qatar, les habitants du Qatar ne nous reprochent pas de faire du colonialisme. Alors pourquoi ce serait différent ici ? Ceux qui nous adressent ce genre d’accusation à Madagascar réagissent comme s’ils étaient toujours colonisés. C’est dommage.
Et puis, dernière chose, je rappelle que les liens entre HEC et Madagascar ne datent pas d’hier. De nombreux Malgaches ont déjà suivi les cours d’HEC par le passé. Ce n’est pas nouveau. »
La semaine dernière, à l’occasion de l’inauguration de ce Cesa, vous avez remis le diplôme honoris causa d’HEC au président de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina. Pourquoi ?
« De temps en temps, HEC remet ce diplôme à de grands dirigeants politiques ou assimilés. Pour ma part, je l’ai déjà remis aux présidents du Sénégal et de Pologne par exemple. Et comme nous essayons de bien les répartir dans le monde, nous nous sommes dits : « Pourquoi pas en décerner un au président de Madagascar« . Nous avons donc fait en sorte qu’il l’accepte. »
Mais est-ce la fonction que vous honorez où l’homme et ses actions ?
« La porte d’entrée, c’est la fonction exercée par la personne. »
En quelle langue seront dispensés les cours du Cesa à Madagascar ?
« En français. »
Ne trouvez-vous pas ironique que, vous, le neveu du principal artisan de la malgachisation de Madagascar, lanciez un programme de formation à des Malgaches, en français, dans la capitale de Madagascar ?
« Mon oncle a-t-il vraiment été le principal artisan de la malgachisation ? Ça, c’est une question pour les historiens. N’oublions pas que la malgachisation de Madagascar a été revendiquée par d’autres, notamment par le successeur de mon oncle… C’est un processus qui a connu des phases d’accélération et de coups de frein… Quoi qu’il en soit, l’enseignement du management est, par nature, internationale. Vous auriez d’ailleurs pu me poser une autre question : pourquoi pas en anglais ? Il s’est trouvé que la langue française était, pour Madagascar, la langue la plus appropriée : mieux maîtrisée que l’anglais et plus internationale que le malgache. »
Retrouver la suite de cet entretien dans un article où Bernard Ramanantsoa évoque son parcours, sa jeunesse à Tana et ses liens avec Madagascar.
Lire aussi : la présentation du Cesa par la CCIFM, cet article de l’Express Madagascar, la remise du diplôme honoris causa à Hery Rajaonarimampianina et l’article polémique de Madagate.
Photo de une : Nicolas Reitzaum.