Des Etats généraux de la diaspora malgache : qui est chiche ?

Madagascar est un pays en souffrance. Nul ne le conteste encore. Les maux de l’île sont tels qu’ils exigent désormais une réponse collective. Encore faut-il la faire émerger, la rendre audible et la mettre en oeuvre. C’est la mission que s’est confiée Jean Razafindambo*, un Malgache du Canada. Son voeu : fédérer les forces et les bonnes volontés du monde entier en créant des états généraux de la diaspora malgache. Le chantier est immense, incroyablement ambitieux, et pose des tas de questions quant à sa faisabilité. Heureusement, pour le MCF, l’intéressé s’est volontiers soumis à l’exercice de l’interview.

Jean Razafindambo veut réunir des états généraux de la diaspora malgache

Jean Razafindambo veut réunir des états généraux de la diaspora malgache

Malagasy Club de France : Comment est née l’idée de ces états généraux de la diaspora malgache ?

Jean Razafindambo : « L’aventure a commencé en septembre 2013 avec la sortie de mon livre Lettres à mon pays, l’île de Madagascar. Mais où est-il parti ce meilleur de nous-mêmes ? Partout où je l’ai présenté, que ce soit au Canada, en France ou à Madagascar, beaucoup de gens m’ont demandé : « C’est très bien mais ce sera quoi la suite ? Qu’est-ce qu’on peut faire concrètement pour notre pays ? » Et j’ai aussi entendu des reproches du style : « Vous, les expatriés, vous êtes très forts pour le blabla sur internet mais, des actions, on n’en voit pas beaucoup… » Or, je n’étais pas d’accord avec ça. La disaspora malgache est réellement solidaire avec Madagascar. Elle transfère d’ailleurs bon an, mal an, 250 millions de dollars vers son pays d’origine. Le problème, ce n’est pas la passivité de la diaspora. Le problème c’est que les actions sont souvent menées de façon individuelle. J’ai alors réalisé combien il était indispensable de fédérer nos forces et nos volontés. C’est ainsi qu’est née l’idée des états généraux. »

La tenue de ces états généraux de la diaspora malgache serait une première. Pourtant, des initiatives similaires ont déjà été tentées par le passé…

« C’est vrai que les précédentes tentatives ont toutes fini en queue de poisson. Parce qu’elles ont été victimes de récupérations politiques. Ça a été le cas en 2001 comme en 2009. Cette fois-ci, nous serons extrêmement vigilants. Je tiens à le souligner dès le départ : le mouvement ne porte aucune connotation politique. »

Comment garantir que la dynamique naissante ne soit pas un jour corrompue par des ambitions politiciennes ?

« Nous sommes conscients de ce risque. Si les gens qui m’accompagnent dans ce projet m’ont laissé prendre l’initiative, c’est parce qu’ils savent que je n’ai jamais été impliqué dans la politique et que je n’ai absolument aucune ambition dans ce domaine. Moi, je suis un observateur de la vie et de la société malgache. D’un point de vue politique, mes idées personnelles sont tout à fait secondaires. Je ne suis qu’un outil dont la seule ambition dans ce projet est d’être utilisé ! »

Jean Razafindambo veut réunir des états généraux de la diaspora malgacheSur un plan pratique, réunir ces états généraux de la diaspora malgache risque de représenter d’énormes difficultés. Comment allez-vous vous y prendre ?

« Une première réunion de préparation sera organisée à Paris les 29 et 30 mai. Il s’agira d’une sorte de comité restreint chargé de discuter de cette question là. Il rassemblera des Malgaches de France (aux deux-tiers), du Canada, des Etats-Unis et peut-être aussi d’Afrique du sud. »

Qui sont ces gens ? Sur quels critères ont-ils été invités ?

« La plupart des membres de ce comité se connaissent et échangent entre eux depuis longtemps. Les liens qui nous unissent remontent aux débuts de l’ère internet, vers 1995. A l’époque, avec l’aide de deux Malgaches des Etats-Unis, nous avions créé un forum de discussion et d’échanges d’idées. Ce forum a rassemblé jusqu’à 3 000 participants. Depuis, certains contacts ont perduré. »

De quoi parlerez-vous lors de ce comité restreint ?

« Pour l’heure, personne ne peut dire où, quand et comment auront lieu ces états généraux de la diaspora malgache. Nous avons donc besoin de nous réunir pour une sorte de brainstorming qui nous aidera à déterminer trois points : la définition du cadre de travail (objectifs, exigences, structure…), le plan de travail, et la question des moyens (le financement). Concernant ce dernier point, je profite d’ailleurs de cet entretien pour préciser que, contrairement à ce qui a pu être écrit ou dit ici ou là, le projet n’est en aucun cas financé par le ministère des Affaires étrangères malgache ! C’est totalement faux. Il n’a rien à voir là dedans. »

Sait-on déjà qui pourra participer à ces états généraux de la diaspora malgache ?

« Ça fait partie des questions que nous aurons à nous poser. Une chose est sûre, le but est d’atteindre le plus grand nombre possible (puisque l’objectif est de rendre collectives les actions individuelles). D’un point de vue technique, cela nécessitera probablement la mise en oeuvre de vidéo conférences. »

Sur quel type de mesures concrètes peuvent déboucher votre initiative ?

« J’ai des idées personnelles là dessus mais je ne tiens pas à les mettre en évidence ni à m’exprimer plus qu’un autre. Une chose est sûre : l’organisation qu’on mettra en place doit être à la fois une force de rassemblement, une force de proposition, une force d’influence et une force d’action. »

Vous parlez d’influence. Est-ce à dire que ces états généraux de la diaspora malgache auront notamment pour mission d’agir tel un lobby auprès des dirigeants de Madagascar ou d’autres autorités intervenant sur l’île ?

« Oui. On peut dire ça. Je pense que ce n’est pas en prenant le pouvoir qu’on peut changer les choses mais en exerçant une influence collective sur ceux qui l’ont déjà pris. C’est d’ailleurs pour ça que les opinions politiques des uns et des autres au sein des états généraux de la diaspora malgache importent peu. Ce qui compte, c’est leur bonne volonté. »

Jean Razafindambo veut réunir des états généraux de la diaspora malgacheLa diaspora malgache n’a pas toujours bonne presse. Peut-elle être efficace sans avoir le soutien des Malgaches de Madagascar ?

« Personnellement, j’ai toujours conservé de très bonnes relations avec mes connaissances de Madagascar. Et pour m’y être récemment rendu, j’ai observé qu’il y avait encore beaucoup de gens de bonne volonté là-bas.

La différence entre un Malgache de la diaspora et un Malgache de Madagascar, c’est que le Malgache qui habite à l’étranger est rarement pris par un engrenage de survie et qu’il a plus de temps pour réfléchir à ce qu’il souhaite pour son pays…

Après, quoi que nous fassions, nous devons le faire avec humilité et sans aucune forme d’arrogance. Tous ceux qui participent au projet sont de cet avis. Il n’est pas question qu’une poignée de malgaches de l’étranger décide de l’avenir de 22 millions de personnes ! Nous avons juste des choses à proposer et une influence à exercer. »

Vous y croyez ?

« La société malgache est en train de mourir et la situation se dégrade rapidement. Rien de valable ni de durable ne se fera si on continue de se battre pour qu’untel ou untel soit au pouvoir. Et rien ne se fera non plus si ceux qui ont réussi sur le plan individuel jettent les gants sur le plan collectif en se disant : « moi, je peux me débrouiller, c’est l’essentiel ».

Heureusement, de plus en plus de gens sont conscients de tout ça. Dans le cadre du projet des états généraux de la diaspora malgache, j’ai contacté plus de cent personnes et je n’ai essuyé qu’un seul refus. C’est plutôt bon signe. Tout le monde est prêt pour agir collectivement. C’est un vrai atout. J’ai l’impression que chacun a fait du chemin dans sa tête et que l’idée arrive au bon moment. »

Quand pouvons-nous espérer voir se réunir ces états généraux de la diaspora malgache ?

« Ce sera très long à mettre en place et il est hors de question de se précipiter. Il faut compter entre six mois et un an d’organisation. Alors pourquoi pas vers la mi 2016 ! »


A vous de jouer. Vous l’avez compris, tels qu’ils sont imaginés par Jean Razafindambo, ces états généraux de la diaspora malgache n’auront de sens, d’efficacité et d’influence qu’avec une large participation des Malgaches du monde entier. Alors prenez le au mot. Présentez vos points de vue et vos idées. Défendez vos propositions. Posez vos questions. Exprimez vos doutes. Soutenez le projet ou démontez le si vous n’y croyez pas. Quoi qu’il en soit, prenez la parole et offrez là à votre entourage par le partage cet article. Madagascar vaut bien quelques mots.

*Jean Razafindambo a longtemps été journaliste. Il a fui Madagascar en 1984 pour échapper à un procès pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » (en fait, pour avoir fait son travail). C’était en 1984. Aujourd’hui installé à Ottawa (Canada), il n’a pas oublié son pays. Le MCF lui consacrera un portrait dans quelques jours.