En France, que reste-t-il des traditions malgaches ?

Les fady, les fomba et toutes ces traditions malgaches ont-ils leur place en France ? C’est la question posée dans ce premier épisode de notre rubrique Débats.

traditions malgaches

Vangovango, argent et senasena : trois fomba pour se protéger du malheur et des esprits malins (photo MCF)

Quand on naît sur la grande île et que l’on grandit dans la culture malgache, les traditions malgaches et les coutumes font partie intégrante de la vie. Les fomba (bons usages à respecter) et les fady (tabous et attitudes à proscrire) appartiennent aux habitudes quotidiennes pour l’immense majorité des habitants. Ils sont parfaitement intégrés et très rarement discutés : un fady est un fady, un fomba est un fomba, malheur à celui qui les transgresse : ses ancêtres se chargeront de lui. Mais hors de l’île, ce code de conduite n’est plus toujours autant respecté. Volontairement ou non, un malgache expatrié en France peut en effet être amené à délaisser quelques-unes des règles de sa jeunesse. Mais attention, il est rare qu’il les renie toutes. Quels sont les fomba et fady qui disparaissent ? Quels sont ceux qui tiennent le coup ? Le Malagasy Cub de France a posé la question.

Chèvre, cochon et circoncision

Mais avant d’observer les réponses, évacuons d’abord les traditions malgaches qui, de fait, ne peuvent pas, techniquement, être respectées en France. Comme sacrifier un zébu à l’occasion d’un mariage ou d’un enterrement : de un, pas facile de trouver l’animal par ici; de deux, il est parfaitement illégal d’abattre une telle bête dans son jardin (ou dans son appartement !) ou même dans n’importe quel lieu autre qu’un abattoir réglementé. Du coup, pas d’autre choix que d’abandonner ce fomba. Autre type de traditions qu’on est bien forcé d’oublier : celles que, par définition, on ne peut observer que sur le sol malgache. Exemple : l’interdiction pour toute personne de se promener sur la plage de Manakara en portant des vêtements de couleur rouge. Jusqu’à preuve du contraire, Manakara n’étant pas en France, on peut oublier ce fady !

Face à ces traditions qui disparaissent de fait une fois qu’on a les pieds en France, il y a aussi celles qu’on a du mal à respecter pour d’autres raisons. Voici quelques exemples cités par des expatriés malgaches résidant en France.

  • La circoncision. Tahiry, 30 ans : « J’ai un fils. Il devrait déjà être circoncis mais ce n’est pas encore le cas. En France, faire circoncire un enfant est beaucoup plus compliqué qu’à Madagascar et surtout plus cher : 1 200 euros ! Mon mari et moi, nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser une telle somme. Mais je tiens à ce que mon fils soit circoncis. C’est la tradition. Nous trouverons donc une solution ! »
  • Les fady alimentaires. Rachel, 31 ans : « Dans ma famille, à Madagascar, on ne mange plus de chèvre ni de fromage de chèvre depuis des générations. Pour quelles raisons ? Je n’en sais rien. Je sais juste que c’est fady et qu’il ne faut surtout pas le faire. Alors, avant de partir en France, mes parents ont demandé la bénédiction de mes ancêtres. En quelque sorte, ils ont levé ce fady. Du coup, je sais que si je mange du fromage de chèvre par erreur (en France on en trouve parfois dans la nourriture sans qu’on le sache toujours), je sais que je suis protégée. Cela dit, je me méfie quand même et je n’en mange jamais volontairement ! »
  • Le fady kisoa (cochon). Tahiry. « Chez moi, à Madagascar, il y a beaucoup de fady. Je les ai toujours respectés et quand j’y retourne, je les respecte encore. Sans même réfléchir. Mais quand je suis en France, je ne sais pas pourquoi, je les oublie tous. Par exemple, le cochon. Dans ma famille, c’est tellement fady que non seulement je ne peux pas en manger, mais en plus, même les toucher est interdit. Mais quand je suis ici, j’oublie. C’est comme ça. »
Anciens, respect et fêtes

A l’inverse, il y a aussi des coutumes auxquelles on ne renoncerait pour rien au monde, quitte à affronter l’étonnement de proches étrangers à l’éducation malgache.

  • La bénédiction des ancêtres. Harivololona. 27 ans. « Avant de partir pour la France, je voulais à tout prix obtenir l’accord de mes parents et de mes ancêtres. Mais mon mari, qui est français, ne comprenait pas ma démarche. Il me disait que j’étais folle, que des ancêtres morts ne pouvaient rien faire pour moi. Il ne me croyait pas quand je lui disais que ne pas respecter ce fomba pouvait nous apporter le malheur. Mais je n’ai pas tenu compte de son avis et j’ai finalement obtenu la bénédiction de mes parents et donc, de mes ancêtres. »
  • L’éloignement des mauvais esprits. Rachel. Il y a beaucoup de fomba et de fady que je continue de respecter. Par exemple, quand je reviens d’un enterrement, avant d’entrer dans ma maison, je fais brûler un bout de papier sur le pas de la porte. Et quand mes enfants étaient bébés et qu’ils ne s’arrêtaient pas de pleurer la nuit, je faisais aussi brûler du senasena, une sorte de bois parfumé (voir la photo), dans leur chambre. Tout ça est censé éloigner le malheur. Et puis, à chaque fois qu’il y a une fête traditionnelle à Mada, je fais aussi la fête chez moi! »
  • Le respect des anciens. Fanja. 27 ans. « Si je suis dans le bus et que je vois une personne âgée qui est debout, je vais systématiquement lui proposer ma place. Mais les gens n’ont pas l’air habitué car, souvent, ils refusent et préfèrent rester debout en tremblant ! A chaque fois, ça me surprend ! »

Ces témoignages tendent à confirmer la bonne santé des fady et des fomba malagasy. S’ils ont tendance à perdre de leur vigueur dans l’avion qui les emmène vers la France, ils n’en restent pas moins fortement ancrés dans la tête des expatriés. En revanche, cette affirmation est certainement plus discutable concernant les générations nées en France. Celles-ci, beaucoup plus imprégnées par la culture occidentale que leurs parents, semblent beaucoup moins sensibles à ce type de traditions. Certains le regrettent. D’autres non.


Et vous ? Vous arrive-t-il, en France, de jeter un peu d’alcool sur le mur de la maison avant de trinquer ? Avez-vous déjà réclamé le placenta de votre enfant à l’hôpital ? Quels sont les fady et les fomba auxquels vous tenez ? Quels sont ceux que vous avez abandonnés ?

En savoir un peu plus sur les fady et les fomba.

Commentaires

  1. Ramaroson dit :

    J’ai des fady qui n’est pas parmi les articles que vous écrivez, Je me demande comment se comporte un homme français s’il a rencontré son épouse en France?!
    Va-t-il faire le Alafady( enlevé les tabous) et payé des argents à la famille de sa copine, puis si c’est l’inverse un homme malagasy avec une française va-t’il faire le Alafady à sa copine française?!
    Merci

    1. MCF dit :

      Bonjour Ramaroson !
      Merci pour votre message et votre question intéressante. Si des couples mixtes formés en France veulent partager leur expérience. Ils sont les bienvenus !