Bernard Ramanantsoa : la face gasy du grand patron d’HEC Paris
|La semaine dernière, dans une interview de Bernard Ramanantsoa, nous évoquions les projets d’HEC Paris à Madagascar. Mais l’entretien ne s’était pas limité aux détails pratiques de ce projet ni au début de polémique qu’il avait pu susciter. Compte tenu du parcours, de la personnalité et des origines de son interlocuteur, le MCF ne pouvait pas interrompre ses questions sans interroger l’homme sur son itinéraire et sur ses liens avec Madagascar, pays de son père et de sa jeunesse. Pudiquement mais sincèrement, le directeur général d’HEC a accepté de se livrer. Un peu. Pour notre rubrique « Talents« , voici donc Bernard Ramanantsoa, côté gasy.

Quelle place Bernard Ramanantsoa accorde-t-il encore à Madagascar ?
Il porte un nom célèbre (son oncle est un ancien président de la République de Madagascar), son CV est long comme douze bras (docteur et multi-diplômé), il occupe un poste prestigieux (patron de la quatrième plus grande école du monde) et assume d’énormes responsabilités quotidiennes. Clairement, la biographie de Bernard Ramanantsoa en impose. Dans quelle mesure Madagascar a-t-elle influencé ce parcours brillant ? C’est ce que le MCF a voulu savoir.
Bernard Ramanantsoa est né en France en 1948 d’un papa médecin militaire malgache et d’une maman infirmière Alsacienne. Il passe à Madagascar l’essentiel de sa jeunesse, jusqu’au lycée. A la maison, comme à l’école, la langue française prédomine. « Mais quand même, je me débrouillais bien en malgache, précise l’intéressé plongé dans ses souvenirs. La langue véhiculaire en tout cas, pour les discussions de tous les jours. Je me souviens notamment que je parlais toujours malgache avec ma grand-mère et que je servais souvent d’interprète entre elle et ma mère ».
Depuis, le niveau a baissé. « La plupart de mes connaissances en malgache se sont évaporées. Et je le regrette ! Comment peut-on avoir accès à une langue et ne pas penser à entretenir cette capacité ?! C’est vraiment dommage. »
Bernard Ramanantsoa se reproche cette négligence. Mais, à sa décharge, notons que, dans l’intervalle, il a tout de même acquis quelques autres compétences ici et là : Supaero en 71 (major de promo), MBA à HEC Paris en 76 (major de sa promo), DEA de sociologie en 87, doctorat en sciences de gestion en 1991, DEA d’histoire de la philosophie en 1993.
A se demander d’où lui vient cet appétit boulimique de savoirs en tous genres… « Parmi les enfants, certains veulent devenir ambassadeur ou gendarme. Moi, j’ai toujours voulu enseigner. Je m’en rappelle très bien : petit, je m’imaginais déjà évoluer dans une salle de classe et donner des cours à des élèves. Et puis un jour, je me suis aperçu qu’avant de pouvoir enseigner, il fallait apprendre. C’est donc ce que j’ai fait. »
Bernard Ramanantsoa a aussi des origines alsaciennes !
En 1996, Bernard Ramanantsoa est nommé directeur général d’HEC Paris. Une école dont la réputation n’était plus à faire, mais à défendre et à faire rayonner. Mission à laquelle il s’est attaché depuis vingt ans, visiblement avec succès : alors qu’il s’apprête à quitter ses fonctions (l’été prochain), des articles de presse sont consacrés à son bilan en termes plutôt élogieux (Ici par exemple).

(Photo Nicolas Reitzaum)
C’est notamment dans le but de « faire rayonner la marque HEC » dans le monde que Bernard Ramanantsoa a décidé de créer cette année un programme de formation continue à Antananarivo. Mais pourquoi à Madagascar ? Forcément, vu le nom du patron de l’école, la question se pose. Est-ce pour finir un mandat de vingt ans par une note personnelle, voire affective ? Une sorte de retour aux sources ? D’un coup de main pour le pays paternel ? Officiellement, Bernard Ramanantsoa ne porte que très peu d’intérêt à ce type de questions auquel, de toute façon, il n’a pas de réponse tranchée. « C’est normal qu’on m’interroge là-dessus. Compte tenu de mes originées, c’est légitime. Mais il est pour moi impossible de répondre clairement. Bien sûr, je suis content d’avoir inauguré ce nouveau programme à Madagascar. Et bien sûr, on peut supposer que je n’ai pas pris cette décision de façon tout à fait neutre… Mais si mes origines ont joué, je peux vous garantir que c’est de façon inconsciente. Il faudrait peut-être interroger la psychanalyse pour avoir une réponse mais je ne suis pas très tourné vers ça, ni vers l’introspection. Et puis, après tout, ma maman vient d’Alsace, une région elle aussi dotée d’une forte identité, et personne ne pense à me demander dans quelle mesure cette origine influence mes choix ! Peut-être parce que c’est moins exotique… »
Il y a quelques jours, dans le cadre d’une visite à Madagascar pour l’inauguration du programme HEC, Bernard Ramanantsoa remettait un diplôme honoris causa à Hery Rajaonarimampianina, l’actuel président de Madagascar, successeur de son oncle. Là dessus aussi, on ne peut s’empêcher de poser la question du lien entre les origines et les actes. Mais là, encore, même réponse « Est-ce qu’il y a un lien ? Je ne sais pas. Je ne crois pas. Mais peut-être… »
Bernard Ramanantsoa était « très proche » de son oncle, Gabriel Ramanantsoa, au pouvoir à Madagascar entre 1972 et 1975 et décédé en 1979. « Aujourd’hui encore, j’ai des liens très étroits avec sa femme, ma tante, et ses enfants, mes cousins. » Le DG d’HEC avoue pourtant ne pas être un spécialiste de l’histoire de son oncle président. « Quand je découvre un article à son sujet, je le lis mais je ne creuse pas davantage. Tout ce que je peux dire avec certitude, c’est que mon oncle n’a jamais eu comme ambition de devenir président de Madagascar. Ça n’a jamais été dans ses projets. C’était un militaire qui, compte tenu des circonstances, a assumé les responsabilités qui lui étaient confiées. Et il ne s’est pas accroché au pouvoir. Il est parti de son plein gré, trois ans plus tard. »
Dans quelques mois, Bernard Ramanantsoa tournera la page HEC. Il ne quittera pas le monde de l’enseignement mais prévoit déjà de lever le pied, avec « un programme plus léger en intensité et en volume« . L’occasion de se pencher avec plus d’attention sur Madagascar ? « Une chose est certaine : je m’y rendrai plus souvent, répond-il. Car ça me manque. Ne serait-ce que pour voir la famille. Après, si la question est de savoir si j’ai des projets pour Madagascar, la réponse est non. Pour le moment, aucun. Pour faire plaisir à tout le monde, je pourrais vous dire que j’ai des tas de projets pour Madagascar et que tout ce que je fais vient de mes origines malgaches. Mais ce serait malhonnête. »
Bernard Ramanantsoa ne se livre pas beaucoup mais le fait avec sincérité. Et sans parler à la place des autres. Quand on lui demande quelle part de Madagascar il a léguée à ses deux enfants, il répond : « Je les ai déjà emmenés plusieurs fois là-bas. Et surtout, je leur ai donné un nom qui ne trompe personne ! Pour le reste, c’est à eux qu’il faut poser la question, pas à moi… » S’ils lisent cet article…